Des actes d’incivisme notoire ont été perpétrés le 5 février 2024, au Lycée technique et commercial du 5 février 1979 du Quartier Mpila, à Brazzaville. Au cours desdits actes, des élèves ont profané le drapeau national en le descendant du mât, pour l’y remplacer par un chiffon bleu, emblème des bébés noirs, dont la devise est: «Après l’armée, c’est nous» et qui écument surtout dans les quartiers Nord de Brazzaville. Ce qui a entraîné des mesures disciplinaires contre les personnels administratifs et enseignants d’une part ainsi qu’à l’endroit des élèves dont 16 sont impliqués, d’autre part. Une information judiciaire a été immédiatement ouverte par Monsieur le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Brazzaville et ces enfants sont passés devant le tribunal. Tant mieux! Il faut battre le fer quand il est chaud, dit un adage populaire.
Suite à ces actes d’incivisme, mon ami Joseph Ouabari, ancien proviseur du Lycée Karl Max de Pointe-Noire et ancien ministre de la justice, a écrit: «L’incivisme au lycée est donc un comportement social grave. Il pourrait se muer en fait social. Si l’on n’y prend garde, les actes posés dans les trois lycées de Brazzaville pourraient s’étendre à d’autres établissements du pays, d’autan que les causes pourraient être les mêmes partout, parce que le civisme s’apprend comme les mathématiques, les langues vivantes, la physique-chimie, l’histoire-géographie, les sciences de la vie et de la terre, la technologie… Les règles du civisme ne sont pas innées. Ne les a apprises, les ignore. Il en découle le comportement incivique décrié.
Le civisme est un engagement qui commence à l’école. Ainsi, l’éducation au civisme a un impact majeur sur le climat de l’école. D’une part, elle amène les élèves à prendre conscience de ce que le patriotisme de l’école est un lieu public, donc le leur. De l’autre, elle implique sur leur environnement et leur relation avec le personnel de l’établissement. L’enseignement civique et moral doit rentrer dans les programmes des collèges et lycées. Il vise à préparer à l’exercice de la citoyenneté et de comprendre les valeurs de la République…». Qui aurait dit mieux?
Comme l’avait écrit, il y a trois ans, notre compatriote, Lydie Patricia Ondziet «plus que jamais, l’Etat a besoin que chaque Congolais se mobilise pour permettre sa continuité et son émergence. Cette mobilisation devrait s’effectuer à plusieurs niveaux, en partant du sommet avec les pouvoirs publics, jusqu’à la base avec la société civile… Chaque citoyen et résident doit comprendre qu’il a une part de responsabilité et sa pierre à apporter à l’édifice que représente la République du Congo».
Il est temps de vulgariser la culture démocratique qui doit faire de nous, Congolais, des citoyens d’une société libre, égale et fraternelle, cherchant à satisfaire leurs intérêts, par un travail honnête et non par la délation et par la violence, à exercer leurs droits, à se sentir responsables de leur existence et à respecter scrupuleusement la République. Mais, qu’est-ce que la République? La République est la chose publique. Elle est Etat, quelle que soit sa forme de gouvernement où des représentants élus par le peuple sont responsables devant la Nation.
C’est pourquoi la République s’est, de tout temps, voulue vectrice de message de liberté, de paix, de concorde et de justice. La République, c’est faire de l’individu le responsable de la vie, non seulement vis-à-vis de lui-même, mais aussi de la collectivité.
La République, c’est mettre au premier plan, le respect de la dignité de l’homme, rejeter le tribalisme, les néo-tribalismes, le régionalisme et c’est bannir les imprudences de ceux qui prétendent savoir ou avoir raison. La République, c’est aussi enseigner le civisme et la citoyenneté responsable non seulement de façon formalisée, mais aussi par l’exemple et par le dépassement de soi.
La République, c’est enfin veiller à l’avenir de tous les Congolais. Cet avenir, il appartient à tous de l’imaginer et de le promouvoir. Car, comme l’a dit Carrel, cité par le Président abbé Fulbert Youlou, «l’avenir n’appartient qu’à ceux qui risquent tout pour un idéal. Et la sagesse, ajoutait-il, n’est pas de vivre pour ne rien faire, pour s’amuser stupidement, mais c’est de vivre héroïquement».
L’esprit de la République doit être la diffusion des valeurs, la promotion de chacun, la capacité à être digne en toutes circonstances, la lutte contre le tribalisme, contre l’exclusion, contre la brutalité, contre la violence et ipso facto contre la création des milices. A ce propos, reconnaissons avec Saint Jean-Paul II que «nous avons enrôlé dans les milices armées, nos jeunes que nous avons contraints à combattre pour des causes qu’ils n’ont pas toujours comprises; ces jeunes, entraînés dans une véritable culture de la violence, suivant laquelle la vie compte peu, et tuer ne paraît pas immoral». Ces jeunes rient quand ils «font voyager» leurs victimes tout en les narguant.
Quelqu’un peut-il nous dire franchement pourquoi les milices armées (Ninjas, Cocoyes, Cobras, Mambas et autres Requins), ont-elles été créées? Aujourd’hui, ne sommes-nous pas en train de récolter ce que nous avons semé hier, nous qui, pourtant, avions le devoir et l’obligation civique d’aider et d’éduquer les jeunes? Nous les avons livrés à eux-mêmes et aujourd’hui, nous en récoltons les résultats. En effet, comme le disait le Président Alphonse Massamba-Débat, «par suite de leur inexpérience ou de l’intrusion dans leurs rangs de quelques polissons, de quelques égarés de mauvaise foi, ils seront inévitablement enclins à s’écarter des voies de la décence et de la dignité et à commettre des choses viles dont nous sommes souvent les premiers à les blâmer».
En profanant le drapeau de la République, ces jeunes du Lycée du 5 Février 1979 ne se sont-ils pas écartés des voies de la décence et de la dignité?
En conclusion, je dis avec l’ancien ministre de l’éducation nationale de notre pays et actuel vénérable sénateur, Daniel Abibi, «la classe politique congolaise a l’obligation historique de réparer les dommages que ses actions immodérées ont causés au pays». Et pour ce faire, il est urgent de créer un Service civique de la jeunesse, un organisme de rééducation, de récupération et de formation dont l’objectif serait:
– d’insuffler aux jeunes la foi dans les destinées de notre pays;
– d’utiliser des jeunes qui jusque-là ne trouvent pas dans l’immédiat à s’employer, en les affectant à des tâches rentables pour notre pays, les former moralement et techniquement pour leur permettre de s’insérer dans la vie nationale à l’issue de leur passage au Service civique.
D’autre part, il serait très souhaitable que l’Etat redonne de la valeur à l’Ecole publique, institution cardinale pour préparer chaque enfant, chaque adolescent à l’exercice du métier de citoyen. Il faut convaincre les parents et les enfants de mettre l’école au cœur de leurs préoccupations. Car, la question de l’éducation est, pour toutes les sociétés modernes dont la société congolaise, une question de vie ou de mort, une question d’où dépend l’avenir.
Dieudonné
ANTOINE-GANGA
(Ancien ministre)