Tellement commun, à tel point que la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par l’assemblée générale des Nations unies, le 10 décembre 1948, dans son article 25, stipule que «toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé… notamment les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires». Avons-nous atteint cet objectif?
Voilà pourquoi il m’a semblé nécessaire, sans polémique, de rappeler les uns aux autres, soignants, décideurs et politiciens, de faire un tour d’horizon sur cette problématique de «la santé, un bien commun».
Le Congo dispose d’un maillage sanitaire plus que respectable: Centres de santé intégré (premier niveau des établissements sanitaires au plus proche de la population ou établissement de santé de premier niveau); les hôpitaux de base ou hôpitaux de référence (deuxième niveau), présents dans chaque district sanitaire; au troisième niveau, les hôpitaux généraux (Hôpital de Nkombo, Hôpital mère-enfant Blanche Gomez à Brazzaville, Loandjili à Pointe-Noire, Hôpital de Dolisie) (construction en cours de dix autres hôpitaux généraux à travers le pays); puis, le C.h.u (Centre hospitalier et universitaire) le quatrième niveau. A cela il faut ajouter les établissements privés.
Mais, tous ces établissements de santé sont-ils bien équipés? Ont-ils les budgets nécessaires pour leur fonctionnement? Le plateau technique répond-t-il aux soins médicaux espérés par les populations? Les C.s.i (Centres de santé intégrés) sont-ils régulièrement fournis en médicaments? Le personnel de santé est-il bien formé et bien entretenu? Le suivi du fonctionnement de ces établissements de santé est-il assuré à travers le pays?
C’est quasiment tous les jours qu’on apprend le décès d’un parent, d’un ami ou d’une connaissance. Il s’agit, là, d’un scénario qui relate la même chose, la même histoire: une prise en charge chaotique. Une préoccupation financière est mise en avant. Sans cela, aucune prise en charge n’est possible. Si vous avez la chance de passer cette première cape, le parcours du combattant, pardon du malade, continue par une batterie d’examens «pêche à la ligne», qui mettent les familles démunies en grande difficulté. D’où le grand nombre de décès enregistré chaque jour.
Faut-il rappeler aux soignants le serment de notre métier? Bien au-delà du serment d’Hippocrate, l’accueil et l’empathie sont les bases du métier de médecin. Accueillir, s’occuper de l’autre, quel que soit son origine, sa couleur et ses moyens financiers est devoir pour le médecin. Les métiers de santé ont l’empathie comme exigence, à son plus haut sommet. Ce médicament-là est gratuit pour le malade et sa famille. Or, ce médicament est devenu rare dans nos hôpitaux. Comment en sommes-nous arrivés là?
L’adage nous apprend que, lorsqu’un chien de chasse est défaillant, il faut répartir les tords entre le boîtier «la caisse de résonnance» et le chien lui-même. La formation? Trop facile, mais un travail de formation continue ne serait pas de trop. C’est l’exigence même de la qualité, une pratique à généraliser dans notre pays, car l’évolution de la science et de la médecine nous amène à nous adapter à tout instant.
La santé est bien un droit. Elle doit être placée au plus haut des préoccupations politiques, économiques et sociales. Des inégalités de plus en plus croissantes sont observées dans la filière de soins de santé dans le pays. Il appartient à l’Etat de relever le défi, pour une meilleure adaptation de notre système de santé à l’évolution croissante de celui-ci. En somme une politique de santé ne peut se contenter de fixer des objectifs et des dépenses. Il s’agit de définir une politique de soins de santé qui inclut une politique de santé publique. Sachant que tout converge vers une explosion des coûts: le vieillissement de la population peut être moins visible aujourd’hui; le développement des technologies de pointes coûteuses; la propagation des maladies chroniques et des grandes endémies (cancer, sida, addictions, covid…).
Le pays gagnerait à promouvoir la prévention, nettement moins chère, mais combien efficace, avec le coût des prises en charge des maladies, les maladies mentales «parent pauvre» presque inexistant du système… Les établissements privés gagneraient à travailler ensemble vers la formation de grands groupes, pour une plus-value au service de la population. Ce constat se veut constructif. Il appartient aux soignants, malgré la difficulté de la tâche, de rester de vrais professionnels soignants, conscients de la mission qui est la nôtre. Il s’agit d’un défi à relever, car on mesure le progrès d’une société à sa capacité et à sa volonté de rendre effectif le droit à la santé.
Dr Diaz Patrice
BADILA KOUENDOLO
Gériatre-Gérontologue,
Psycho-Gériatrie;
Chef de Pôle de Gériatrie;
Chef de Service de Gériatrie;
Hôtel Dieu Groupe SOS,
Le Creusot France;
Expert «Gestion et politique de santé» (Sciences Po Paris);
Habilitation de recherches
en cours;
Université de Bourgogne Franche-Comté.